Chen Zhen
L’univers d’une artiste apatride
La première occurrence du mot « Transexpériences » remonte à l'année de la Grèce en Chine lors d’une exposition très importante sur l'art contemporain grec. Ce terme, très compliquée à traduire en chinois est difficile à comprendre même pour les journalistes chinois. Il a été inventé par un artiste chinois contemporain nommé Chen Zhen.
Chen Zhen est né en 1955 dans une famille de médecins. Il a grandi sous la Révolution culturelle dans le quartier de l'ancienne concession française. Il s'est intéressé aux liens existant entre la philosophie traditionnelle chinoise et la culture occidentale. Prenant appui sur ses études à l'Institut théâtral de Shangaï, et son enfance au sein d’une famille traditionnelle, il réalise d’importants travaux où la médecine chinoise et ses concepts cosmologiques sont mis en scène dans des perspectives nouvelles. Malheureusement, il décède très jeune, en 2000 à l‘âge de 45 ans.
Comme une allégorie de sa vie d’artiste apatride, il invente un nouveau terme: « Transexpériences », qui insiste sur l'état particulier et l'identité d'un artiste dont l'art est universel. Il souligne qu’à notre époque même si un artiste se retrouve parfois sans patrie, il est toujours en contact avec ses racines. Celles-ci ressortent dans les moments les plus inattendus. Des artistes comme Chen Zhen, ont inventé ces termes ou concepts, afin de montrer le besoin vital de retour au pays d'origine. Cela nous amène très loin sur les échanges culturels, entre la vision d'un pays de l'extérieur, la vision sur son propre art et sur les autres.
Les œuvres de ChenZhen s’impose de manière évidente.
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Round table a été spécialement créée pour l’exposition de group Dialogue de Paix organisée à Genève pour le 50e anniversaire de Nations Unies .
Cette table ronde monumentale comprend 29 chaises issues des 5 continents, fixées autour d’un plateau circulaire des droits de l’Homme écrits en chinois. Cette œuvre se veut à la fois culturelle, sociale et politique. La coexistence de ces chaises de formes différentes suggère la volonté d’un dialogue entre les différentes cultures. La table ronde évoque également la traditionnelle table chinoise, invitation au respect mutuel, au partage et à la discussion.
Cette œuvre de Chen Zhen s’inscrit dans son combat en faveur du multiculturalisme, signifie la nécessité de dialogue, d’échanges entre les peuples. Elle porte le nom chinois « renjiguanxi » qu’on peut traduire par « les liens » « la relation sociale » ou dans le domaine politique « l’équilibre au centre ». Sur cette table ronde, les chaises sont très mal disposées. Elles sont suspendues au dessus du sol et encastrées dans le plateau.
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La philosophie chinoise et le taoïsme notamment enseignent la permanence du cycle de la vie où déclin et naissance perpétuel créent une harmonie continue.
Mon interprétation personnelle:
Le Tao ou la Voie, s’ouvre vers l’équilibre entre le Yin et le Yang, lequel suit le mouvement, s’adapte à l’environnement, et rejoint l’harmonie avec la nature.
Le Tao s’accompagne souvent de l’esprit libre, errant, retiré, désintéressé.
Le Tao, paisible avec l’extérieur, exige effectivement une révolution intérieure énorme. Une puissance dynamique dans la souplesse .
Le Berceau s’offre au spectateur comme une métaphore porteuse de cette sagesse ancestrale. Chen Zhen renverse un lit d’hôpital pour adulte et crée un berceau qu’’il enroule de vêtement et desdraps d’hôpitaux. Il met en scène 6 desquels émanent des cris de bébés, des rire d’enfants et des paroles d’adultes enregistrés dans le service d’urgence de l’hôpital St-Louis.
Pleurs et rires, mort et naissance, arriver et partir , cette indétermination crée progressivement la rencontre entre deux mondes.
Chen Zhen est atteint dès son enfance d'une maladie rare incurable, une anémie hémolytique auto-immunitaire. Il décide donc après ses études d’art de s’intéresser à la médecine chinoise. En effet, il affirme que « l’art n’est pas seulement un problème de concepts, mais d’abord et avant tout une expérience de vie »
Chen Zhen, fécond en idées originales, réalise à la fin de sa vie une œuvre, Inner body landscape où il représente ses organes souffrants. Selon une vision à la fois chinoise et occidentale, il réalise une sorte de reconstitution intérieure de son propre corps. Cette œuvre très forte me rappelle les travaux du poète Henri Michaux : son travail d’ introspection sur son propre corps souffrant devient une source d’inspiration.
Cet artiste international se présente souvent comme apatride. Il fait preuve d'une recherche personnelle très aboutie. Il s'inspire de ce qu'il y a de plus intéressant dans le monde artistique étranger et crée un vrai univers personnel et persistant dans lequel on peut trouver beaucoup d’éléments à la fois universels et propres à la Chine. Ce qui le place à part car chez beaucoup d'artistes aujourd’hui, le coté universel cède la place à un aspect beaucoup plus identitaire, beaucoup plus « national ».
LI DAN
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